Le nucléaire c’est si bon, pourquoi l’arrêter ?…
Tract du Collectif contre l’ordre atomique pour la manif antinucléaire de 11 octobre 2014 à Paris
Le nucléaire c’est si bon, pourquoi l’arrêter ?…
Les nucléocrates osent présenter l’énergie nucléaire comme une solution contre l’effet de serre. Quelle fumisterie ! Le nucléaire, c’est de l’extraction, du transport et de l’enrichissement d’uranium, c’est la construction de centrales, c’est la production, le transport et le tri de déchets nucléaires, puis leur retraitement, producteur de nouveaux déchets qu’il faut à nouveau transporter avant d’enfouir. Et tout cela n’aurait aucune incidence sur l’effet de serre ? Un camion transportant des déchets nucléaires émettrait-il par miracle moins de gaz carbonique qu’un autre ? Et un nuage radioactif s’élevant de Tchernobyl ou de Fukushima, ça ne produit aucun effet de serre en faisant plusieurs fois le tour de la Terre ?
De plus, dans ce prétendu débat nucléocrates et médias font comme si l’énergie nucléaire était une énergie ordinaire et les centrales nucléaires, de banales installations industrielles. Comme si le risque d’accident majeur était des plus minimes. Le fait que l’irrémédiable, l’accident qui condamne irréversiblement une région et une population, se soit déjà produit plusieurs fois et soit désormais admis comme probable y compris par l’ASN ne semble pas avoir d’incidence sur leurs discours lénifiants.
Pourtant, si nous refusons le nucléaire, ce n’est pas parce qu’il est une fausse solution à l’effet de serre. Nous le refusons pour ce qu’il est et produit. Pour l’atteinte qu’il porte à la santé des populations, d’abord : au quotidien, la pollution radioactive sournoise des centrales en fonctionnement « normal », l’exposition des travailleurs à des doses importantes de radioactivité lors des arrêts de tranche et, bientôt peut-être, lors de leur démantèlement ; en perspective, les conséquences catastrophiques d’un accident majeur. Ensuite, pour le modèle social qui l’accompagne inévitablement : notre destin collectif devenu l’affaire d’experts tout-puissants, une organisation centralisée de la production d’énergie, un contrôle « sécuritaire » et une répression policière renforcés, une gestion forcément militaire de la catastrophe annoncée. Nous refusons de servir de cobayes à des apprentis sorciers qui ne maîtrisent rien (où en est Fukushima ? Tchernobyl ? Y a-t-il dans le monde un seul exemple de démantèlement de gros réacteur de production électronucléaire ?), mais qui n’hésitent pas à sacrifier des régions entières pour ne pas avoir à remettre en cause leurs choix de puissance et leurs sources de profit.
Et qu’on ne nous ressorte pas l’argument économique. Le nucléaire est un gouffre financier. Combien a coûté Superphénix pour produire au total moins d’électricité qu’il n’en a consommé avant son arrêt définitif ? Plus de 9 milliards d’euros. Que vaudrait le kilowattheure nucléaire si on y intégrait le coût du démantèlement et des déchets ? 4,5 fois plus, estiment certains. Combien coûtent les travaux nécessaires à la prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires ? 55 milliards d’euros sur quinze ans, selon EDF. Combien coûte la construction des barrages hydrauliques vantés auprès des agriculteurs mais destinés surtout à réguler les fleuves qui refroidissent les centrales ? Plusieurs centaines de millions d’euros sans doute. Quant au problème des subventions publiques, ne nous voilons pas la face : en tout état de cause, il faudra de l’argent public, et beaucoup. Même en cas d’arrêt immédiat du nucléaire. Car il faudra bien surveiller tous ces sites radioactifs qui continueront de chauffer, de provoquer des réactions chimiques que les scientifiques ne savent prévoir que très partiellement, de corroder les enceintes censées nous protéger…
Nous refusons la logique de la « transition énergétique », ce terme qui déjà nous promet que rien ne sera bouleversé. Transition vers quoi ? Le gouvernement s’est engagé à réduire la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % d’ici 2025 ? Même en oubliant que les promesses n’engagent que ceux qui y croient, c’est 50 % et dix ans de trop. Tous les problèmes du nucléaire subsisteront. Et il suffira au gouvernement de laisser la consommation d’électricité augmenter à son rythme actuel pour n’avoir à fermer aucun réacteur nucléaire. D’ailleurs, une partie du projet de loi consiste à favoriser les usages non spécifiques de l’électricité, notamment à travers la promotion massive de la voiture électrique. Alors qu’en réservant l’électricité à ses usages spécifiques, c’est déjà plusieurs dizaines de centrales nucléaires que l’on peut fermer.
Aux partisans de l’arrêt immédiat du nucléaire on reproche souvent leur irréalisme. Mais l’irréalisme, c’est de faire comme si les centrales nucléaires françaises n’étaient pas toutes des Tchernobyl ou des Fukushima en puissance. L’irréalisme, c’est de se focaliser sur les énergies renouvelables, de faire croire qu’elles pourraient, progressivement, au nom du réalisme ! se substituer au nucléaire, quand, aux yeux du pouvoir, elles servent surtout d’alibi pour maintenir la production nucléaire en l’état. L’irresponsabilité, c’est de condamner le nucléaire à voix basse et les énergies fossiles à pleine voix, quand celles-ci seraient sans doute indispensables dans un premier temps pour mettre en œuvre l’arrêt du nucléaire sans délai. Et, plus généralement, c’est de se battre pour une énergie « propre » avant même d’envisager la destruction du modèle productif très, très sale (écologiquement et socialement parlant) qui nous contraint à consommer de l’énergie en quantités démentielles.
Se battre pour l’arrêt immédiat du nucléaire, avant la catastrophe, est la seule position véritablement réaliste. C’est le premier objectif à atteindre, sans lequel tous les scénarios alternatifs ne sont que spéculations ouvertes aux manipulations du pouvoir et des médias. C’est un objectif concret, qui redonne sa première place à la lutte, loin des calculs et débats d’experts qui nous dépossèdent du désir d’agir et de prendre en main collectivement notre destin. Même si l’on sait, hélas, qu’une victoire ne suffira pas à nous faire « sortir » définitivement du nucléaire, vu l’ampleur des matériels radioactifs déjà produits qui nous resteront sur les bras sous forme de déchets. Mais plus on attend, plus ce sera dur.
Collectif contre l’ordre atomique / contre-lordre-atomique(at)riseup.net