On ne dit plus Association de malfaiteurs, on dit bande organisée !
Au départ ou presque de l’audience de ce lundi 28 novembre devant la Cour d’appel de Nancy, nous apprenons que dans son appel, le procureur de première instance demande confirmation des jugements de Bar-le-Duc sauf pour le camarade relaxé. C’est à dire que le parquet de Bar-l-Duc demande que soit confirmé la relaxe pour l’association de malfaiteur et la condamnation pour les autres délits poursuivis… Sauf que ces délits sont qualifiés de la circonstances aggravante de « en réunion » caractéristique des bandes organisées. Bref !
Mais reprenons depuis le début :
– Habitué.e.s aux abus de la Cour d’appel de Caen, nous avions préparé nos pièces d’identités. Nous avions bien faits ? En tous cas, une réquisition préfectorale permettait cet abus.
Un camarade avocat averti proteste tout d’abord de l’enregistrement des identités des personnes accédant au tribunal puis, à la lecture de la réquisition l’avocat se rend compte que celle-ci est illégale, ce qu’il fait constater au juge dès le début de l’audience. Les flics avaient a priori compris puisqu’ils avaient déjà arrêté de réclamer nos pièces…
– Ensuite, il est fait remarquer qu’une camarade a été jugée et condamnée pour des faits de violence ayant entrainée des interruptions de travail (ITT) de 8 jours sur deux gendarmes alors qu’elle n’étaient en fait pas poursuivie pour cela mais pour des violences n’ayant pas entrainées d’ITT. Ooops !
– Et ne v’là t’y pas que le tribunal confirme que la relaxe pour association de malfaiteurs ne fait pas l’objet de l’appel à l’ordre du jour. Soulagement dans la salle et sur le banc des prévenu.e.s. Un peu dommage pour l’avocat qui a taffé pour rien sur la question.
Passons sur la reprise approximative résumant un condensé lacunaire du dossier énorme mais bien mal ficelé et très erroné donnant une vision caricaturale et imprécise d’un mouvement et de ces mobilisations malgré 4 ans de surveillance au plus intime de celui-ci. Toutefois, certains raccourcis pouvaient quand même laisser entendre le pire, d’autant que le récit était principalement basé sur le rapport des enquêteurs ayant nourri l’instruction, comme n’a cessé de le rappeler le président de l’audience.
Passons d’autant plus sur la tentative d’individualiser les camarades qui refusaient celle-ci, par le biais de l’enquête de personnalité, d’autant qu’il a tout de suite été remarqué en utilisant des pièces déposées dans un autre cadre que la personnalité de chacun.e relève pour le tribunal uniquement des diplômes et de la situation professionnelle…
Nous en arrivons donc aux réquisitions du parquet général. Un récit inaudible (la représentante de ce parquet faisait pei d’effort pour parler dans le micro) encore plus brouillon n’ayant rien de plus à apporter que ce que nous avions
entendu le matin, aucune précision quant aux faits sinon pour l’orga d’une manifestation, la présence de noms dans des CR de réunions de la « Gravitante » et des photos plus les écoutes du tél de la Legal Team ; pour la participation à la manif : on a des photos et un bornage des téls postérieurs aux sommations ; et pour la détention de produit pouvant servir à faire des objets incendiaires ou explosifs (en l’occurence des pétards de foire, gare à vous les minots : vous êtes visés !), le rappel des contenus de perquis avec la mention que les personnes « ne pouvaient ignorer » comme seule preuve de l’appartenance et de la dangerosité des matériaux. Quant à la camarade « mal jugée » en première instance, bien sûr qu’il faut annuler le jugement vu qu’il est erroné mais bon : faut la condamner quand même d’autant qu’elle est formellement identifiée… à son regard prononcé.
Tout petit soulagement pour un camarade condamné à de la prison ferme en première instance au prétexte qu’il ne pouvait bénéficier du sursis, elle précise que ce bénéfice peut lui être attribué (une autre erreur de la première instance sans la nommer comme telle !).
Bref, elle réclame des condamnations pour tout le monde :
– Pour deux camarades poursuivi.e.s pour organisation de manifestation non déclarée et participation à un attroupement, 8 mois avec sursis sont réclamés.
– Pour le troisième (qui avait pris 9 mois ferme en première instance !), 10 mois avec sursis.
– Idem pour 3 autres camarades, deux pour détention de produits gna gna gna et celle pour envoi de cailloux en direction des gendarmes (soit plus pour des violence sans ITT que sa condamnation pour de soi-disant violences avec ITT à Bar-le-Duc).
– Quant au camarade condamné à un an de prison ferme en première instance à Bar-le-Duc, elle demande la confirmation de cette condamnation à un an ferme au prétexte de son casier judiciaire et… qu’il serait coutumier du fait. Et sans doute aussi, ce qu’elle n’a pas dit : vu qu’il a déjà fait en préventive, une partie de l’hypothétique condamnation à venir, ce serait mieux de le condamner : il serait en droit de réclamer des indemnités sinon !!!
– Refus de la non inscription au volet B2 du casier judiciaire (qui doit notamment être vierge pour travailler dans le public mais pas que) pour toustes qui l’avait demandée, au regard de l’absence de motivations valables selon elle et pour le dernier camarade : dans tous les cas même s’il avait de bonne raison, « je m’y opposerais » (Nan mais non hein parce qu’il est méchant lui, il n’a même pas de travail !)
Refus pour la restitution des pièces saisies pendant l’instruction au regard de l’incapacité à déterminer leurs propriétaires. Ooops, la réquisition portent sur certain.e.s camarades sur les pseudo-preuves de l’appartenance de ces pièces (un sac, des affaires dans une voiture notamment) à ces camarades. Encore une erreur ?
Ces réquisitions restent très lourdes au regard des arguments exposés.
Une journée pesante pour les camarades et nous qui les soutenons, malgré les mini-motifs de satisfaction.
Ces réquisitions montrent bien que l’association de malfaiteurs plane toujours même si elle n’en porte plus le nom.
Heureusement, la journée n’est pas finie et une première plaidoirie va clore les débats de cette première journée.
Le premier avocat à pour tâche de plaider la relaxe pour détention de produits incendiaires ou explosifs ou d’éléments destinés à les composer en vue de commettre des actes de dégradations ou d’atteintes aux personnes avec caractérisation de ces actes… en bande organisée.
Il note que suite à l’abandon des poursuites pour complicité des certain.e.s des prévenu.e.s, il va s’attacher à défendre 3 camarades mais qu’il n’en reste pas moins l’avocat de toustes comme tous ces confrères présents.
Et notamment pour la notion de bande organisée, un non-sens alors que l’association de malfaiteurs est tombée.
Il rappelle que la définition juridique de celle-ci spécifie que ce ne peut être un groupe variable et que cela doit être un groupe hiérarchisée avec une équipe aux ordres de chefs.
Bref, le dossier à charge montre combien la lutte est l’objet d’un va et vient de nombreuses personnes et qu’aucune hiérarchie n’est caractérisée.
Il note que cette notion n’est requise que du bout des lèvres (de manière peu audible de surcroît) par l’accusaiton et qu’elle est un affront pour la jurisprudence.
Dans tout l’imposant dossier de l’instruction judiciaire, que ce soit pour les 3 camarades concernés par la détention ou les 4 autres, rien n’est applicable à la « bande organisée ».
Concernant, les produits recueillis, les personnes sont poursuivies car ces produits sont similaires à ceux utilisés dans un départ d’incendie datant de juin 2017 (qui fut le prétexte à l’ouverture de l’instruction).
Mais elles ne sont pas poursuivies pour ces faits d’autant que pour les détenir « en vue de » alors que les produits ont été saisis en 2018 ou fin 2017, il aurait fallu remonter le temps.
Bref : les produits sont-ils détenus ? ont-ils une qualité de produits explosifs ? sont ils détenus en vue de quel projet ? Ce projet peut-il faire atteinte à des biens ou des personnes ?
Pour la complicité, celle-ci doit aussi être caractérisée sauf que la complicité de détenir quelque chose, c’est une fabrication juridique.
Les preuves de détention ne sont convaincantes pour personnes : une trace d’ADN sur un serflex utilisé pour fixer le bouchon d’une bouteille avec traces de produits carburants pour l’un, sur un couvercle de bocal (bicarbonate de soude) pour l’autre et dans la voiture de la troisième… Les flics disant eux-mêmes avoir vu plusieurs personnes la charger !
Quant à l’intention, elle repose sur la répétition de de la formule « ne pouvait ignorer » que les produits allaient servir (à quoi : on ne sait pas !).
Dans les 22 000 pages de surveillance téléphonique, d’écoute à distance de conversations , de décorticage des ordis et disques durs, rien de probant quant à un éventuel projet d’usage de ces produits comme objet incendiaire à l’encontre de quoi que ce soit.
Le bonus de la démonstration advient à la revue de l’inventaire de la saisie du matos pris dans la voiture d’une camarade qui aurait détenu un cocktail molotov (ie: dans une bouteille). Y avait bien des pétards de foire et du matos de feux d’artifice et des fumigènes comme on en utilise dans les fêtes et concerts… MAIS PAS DE BOUTEILLES et encore
moins contenant des produits incendiaires ou explosifs avec un détonateur ou une mèche.
Le dossier est un dossier de surveillance généralisée à l’encontre d’un mouvement s’opposant au nucléaire et à CIGÉO en particulier et l’avocat de conclure « On ne peut pas transformer un dossier de maintien de l’ordre en dossier pénal : ça ne marche pas ! ».
Et nous v’là au mardi matin où la première plaidoirie ne manque pas d’importance puisqu’elle revendique le droit à librement manifester,
c’est à dire à ne pas confondre une manifestation non déclarée avec une manifestation interdite, ce qu’ont fait les flics pendant toute l’enquête au point de se demander si un arrêté d’interdiction n’avait pas été pris et que semble encore considérer l’accusation.
Il s’agit de s’attaquer à la prévention concernant les camarades poursuivis pour orga de manifs non déclarée, mais aussi de participation volontaire à un attroupement après sommation, d’autant que ce sont les mêmes et tout l’argumentaire des réquisition est mélangé dans un gloubi-boulga des deux préventions.
En bref, selon le parquet général, les camarades ne pouvaient ignorer (là encore !) être les organisateurs de la manif même quand les écoutes tél montrent qu’une dit ne pas vouloir prendre une telle place, qu’un autre indique à quelle point elle est inorganisée, que les tâches prises en charge sont envisagées en réunion de compositions variables et qu’elles sont
validées par des assemblées générales. Idem pour ce qui est du risque de violences : « elles ne pouvaient ignorer ».
Idem pour la Legal team « elle ne pouvait ignorer » que les informations transmises allaient pouvoir servir à commettre des violences et elles montraient en étant avec la manif après les premières sommation qu’elles incitaient à l’attroupement. Et bien non, l’approximation « ne pouvait ignorer » n’est en aucun cas une preuve et le travail d’une équipe de soutien et d’observations juridiques comme le rôle d’accepter de parler aux média n’est pas non plus être organisateur/trice. Et donc relaxe !
Enfin, est notée l’absence de citation dans tout le dossier des manifestant.e.s blessé.e.s par les forces de l’ordre et l’incapacité de l’esprit gendarmesque à comprendre la nature protéiforme et sans hierarchie d’un mouvement (l’instruction n’est pas censé être à charge et à décharge ?).
C’est ainsi qu’on arrive à l’argumentation contre la culpabilité de participation à l’attroupement. Il est montré qu’après les sommations que peu de personnes sur les 500 à 700 manifestant.e.s ont du entendre, à 14h20, la manif s’est effectivement dispersée et que donc la qualification d’attroupement ne peut exister (on pourrait dire pareil par la suite puisqu’après les sommations dans les rue de Saudron, la manif s’est dispersée dans les champs au-dessus). Que le bornage d’un tél sur une
antenne qui régit les télécoms sur 10km à la ronde ne vaut pas pour présence sur les lieux, idem des photos de personnes sans dates ni heures (ni lacrymo pourtant utilisée sitôt après les sommations selon les gendarmes) et donc : relaxe !
Petite remarque qui ne manque pas de sel : le responsable des gendarmes rappelle qu’il a la charge de la sécurité des installations de l’ANDRAalors qu’ont été placées des forces de polices pour bloquer des routes ne faisant l’objet d’aucune interdiction et ne menant pas aux installations et sans en mettre sur les accès aux dites installations, bloquant dès le départ une manifestation qui n’avait donc pas été interdite.
Et on enchaine avec la seconde plaidoirie de ce matin-là, car il apparait que les sommations usitées à l’époque n’étaient vraiment pas claires et empêchaient les personnes de savoir qu’elles formaient éventuellement un attroupement au point qu’a été modifié le Code de la sécurité intérieur (CSI – schéma Darmanin) sur ce point.
De ce fait, suivant que cela est moins incriminant, hop faut en bénéficier : et donc relaxe toujours !
Et quant à la camarade porteuse de lunettes, au regard si prononcé qu’on a pu l’identifier avec ce seul moyen ou presque qui a été jugée pour des violences ayant commis des blessures avec incapacité de travail alors qu’elle n’était pas poursuivie pour cela puisque ni indices ni charges à son encontre pour les deux gendarmes blessés ?..
L’erreur sur le jugement devrait suffire à la relaxer car la juger directement en appel ne lui permet pas de faire appel, droit
fondamental.
À par ça, il faudrait qu’elle soit là : encore le bornage du tél qui ne veut rien dire, des photos de manifs sans heures ni date de personnes se ressemblant toutes mais bon… Sa silhouette et son apparence aurait permis aux gendarmes de la reconnaître, et son regard prononcé leur permettant de l’identifier sans risque d’erreur.
Mais c’est que porter un bonnet similaire un mois plus tard montre bien que c’est elle, sans compter ses lunettes, mais toujours et surtout : toujours ce regard prononcé !
Ah, au fait, il faut aussi des gendarmes blessés sans incapacité de travail pour qu’elle puisse être condamnée d’avoir blessé des gendarmes : il n’y en a pas au dossier… Donc relaxe.
Petit retour sur le camarade que l’accusation veut absolument voir en taule, il est rappelé au cas où la relaxe ne serait pas prononcée, qu’il soit condamné au pire du pire à ce qu’il a déjà fait avec au pire du pire un aménagement du surplus si celui-ci n’était pas confondu avec un autre jugement. Mais bon, ce qui est réclamé par la défense : c’est la relaxe !
Et enfin, les pièces saisies (au départ sur le motif de la recherche d’un départ d’incendie et du démontage de grilles), dont l’étendue et la valeur tant marchande que sentimentale montre la volonté d’écraser un mouvement contestataire (ne disiez-vous pas M le président qu’en démocratie…) tout comme le contrôle judiciaire interdisant aux personnes de se rendre sur place et de se rencontrer. 40 000 euros en estimation basse (téléphones, ordis, disques durs, appareils photos pro,
caméras, etc). On se demande comment une bouteille de vin et des caisses de livres s’y retrouve… Et on se demande surtout ce qu’il en est : ces pièces saisies dans le cadre d’une affaire de justice n’y sont pas forcément, la DGSI ayant eu le « droit » d’y piocher à l’envie.
Bref, nous buvons à la relaxe générale mais ce n’est que le 26 janvier 2023 que nous seront fixé.e.s.
Aucun pronostic mais un peu d’espoir et surtout beaucoup de soutien à continuer d’apporter aux camarades e,n prenant part à la lutte pour l’arrêt de CIGÉO et du nucléaire.
Info du collectif et revue de presse ici :
https://noussommestousdesmalfaiteurs.noblogs.org/le-26-janvier-la-relax/
et notamment :
https://reporterre.net/Nucleaire-les-militants-de-Bure-seront-ils-relaxes
antirep-tht@riseup.net
NB : le téléphone d’alerte de l’antirep-tht (o6.74.87.II.55) n’a
plus personne au bout du fil. Si la lutte ou d’autres circonstances le
nécessitent, nous verrons à réactiver cette ligne ou à en créer une
autre.