Florilège de récits, images, réflexions, reccueillis au fil des rencontres, de Valence au Morvan
Voici quelques nouvelles au terme de notre deuxième semaine d’infotour, épuisant et riche en rencontres et en émotions.
L’occasion de remercier toutes les personnes qui nous accueillent à chaque étape, réussissent à rassembler pas mal de monde pour partager ce moment d’échange, que ce soit de réflexions politiques, de stratégie, d’inquiétudes et de rires, de complicité en train de naître. La motivation est au plus haut.
Valence
Grève des salariés
Ici dans la Drôme, le nucléaire se taille la part du lion. Au Laboratoire, repaire d’anarchistes de tout poil situé dans le centre-ville de Valence, on évoque la récente mobilisation dans l’usine Areva du Tricastin, où les pompiers et les salariés de la sécurité se mettent en grève en réponse aux restrictions de budget dans leur secteur, qui constituent une mise en danger du site et de la population. Après un blocage de plusieurs jours, la centrale est sur le point d’être fermée, et la CGT annonce la fin de la grève après l’obtention de quelques malheureux postes pour une durée de 18 mois.
On parle également de la centrale Georges Besse 2, qui est alimentée en électricité par une usine de biomasse, ce qui est très apprécié des écologistes.
Au bas des murs de la maison d’arrêt de la rue de Chabeuil
Un autre projet qui occupe ici à Valence, c’est le déménagement de l’actuel centre pénitentiaire situé rue de Chabeuil, pour permettre au maire de poursuivre la réalisation de sa Cité des sports et de la culture et éloigner des regards cette maison d’arrêt qui fait tache dans ce quartier peu à peu gagné par la gentrification valentinoise. On retrouve ici un partenariat public-privé puisque c’est le groupe Spie-Battignoles qui sera chargé de financer, concevoir, construire et entretenir pendant 25 ans cette nouvelle prison de 33.000 m² pouvant enfermer 456 détenu.e.s à partir de 2015-2016.
http://lelaboratoire.over-blog.com/
Grenoble
Après Valence, on reprend la route. Direction Grenoble, ville en tout cas réputée pour avoir porté une forte critique anti-industrielle, notamment sur la question des nanotechnologies, de Minatec. Grenoble, ça se sent, c’est un peu la ville qui tend à devenir l’idéal des villes futures à la mode Sciences et Vie Junior, high tech, automatisée, accessible, aménagée. Un peu un air du cauchemar qui vient…
On arrive enfin à se poser quelques heures chez quelqu’un.e de là-bas, ça fait du bien.
La soirée se déroule à Antigone, un lieu très atypique : un local acheté, chouettement aménagé. On y sent que beaucoup d’efforts ont été faits pour que tout.e visiteur.euse s’y sente bien.
En tout cas pour nous, c’est le grand luxe, et on peut s’affaler dans des gros canapés et des fauteuils bien confortables pour regarder le film (pour la 2674e fois) sur un écran géant. On se croirait au cinoche…
Dès le début de la soirée on sent l’hétérogénéité de l’assemblée, des gens du réseau Sortir du Nucléaire, du collectif de soutien à Notre-Dame-des-Landes, des syndicalistes, des gens de Décines, d’autres proches du No TAV… Il est même question du mouvement anti-nucléaire suisse qui a rencontré le même genre d’interrogations sur les problèmes d’ancrage local, de lutte hors-sol… On s’interroge sur la force des collectifs forgés au cours des luttes, sur leur capacité à perdurer en dehors de la lutte, sur les médias, sur la communication, sur l’extérieur… Discussions largement nourries par des réflexions sur le syndicalisme, sur les liens possibles avec des ouvrier.ères ou des travailleur.euses, et par les critiques faites sur le travail de militant.e.s type ONG.
En ce moment des travailleur.euses du Tricastin se sont mis en grève et la centrale menace de fermer. Comment donc profiter de ces moments de ruptures pour en faire des moments de rencontres ? On sait qu’un combat contre le système énergétique existant doit se nourrir de ces luttes aussi, de ces luttes de l’intérieur. Considérer les potentialités, les possibilités de rencontres, d’actions, les tranformer en perspectives. Que nos coups portés de l’intérieur et de l’extérieur fassent naître les mêmes fissures sur ces cornières, ces réacteurs…
Plus largement encore, ce soir se pose la question, des relations entre nos luttes, de leurs capacités à se renforcer les unes les autres…
Que de perspectives… Nous on est tou.te.s bien crevé.e.s et après un bon repas, on ne tarde pas à aller dormir.
http://www.bibliothequeantigone.org/
Lyon
Un petit local pas loin du centre de Lyon, on est bien content.e.s d’arriver. Que d’embrouilles sur la route. On a crevé. En démontant la roue, on se rend compte qu’on roulait sur le métal et que les deux pneus sont dans cet état. C’est donc le manège entre Grenoble et Lyon entre les garagistes, les casses, pour trouver des pneus de rechange. En comptant les galères pour arriver dans le centre de Lyon, on arrive finalement avec pas mal de retard à la soirée où tout le monde nous attend déjà.
Après une projection du film, la discussion s’engage. On en revient aux origines de la lutte antitht, aux questions sur les luttes juridiques, sur leur pertinence, leurs temporalités, ce qu’elles apportent, ce qu’elles freinent ou empêchent…
On parle aussi du TAV, de Décines, de la difficulté d’impliquer du monde dans ces luttes, de la quasi-impossibilité d’occuper l’espace dans une aussi grande ville que Lyon… De la dynamique ultra répressive qui règne en ce moment partout et tout particulièrement à Lyon (manif pendant le mouvement contre la réforme des retraites et manif No TAV en décembre 2012), des liens possibles entre villes et campagnes…
Un splendide buffet (un peu moutardé) est servi et on se régale de tartes à la fraise… La soirée se finit dans un petit parc au milieu des immeubles sur une grande table, entre quelques bouteilles de vin et de bières.
http://laluttine.free.fr/laluttine/
Chalon sur Saône
à venir
ZAD du Morvan
Le bois du Tronçay
C’est une redoutable communauté de lutte que nous rencontrons à Sardy-lès-Epiry, en plein Morvan, c’est-à-dire dans un coin paumé de la Nièvre en Bourgogne, où l’entreprise luxembourgeoise Wood & Energy et son groupe Erscia veulent implanter une scierie industrielle et un co-incinérateur sur 110 hectares de forêt en zone humide.
Ici nous sommes en plein coeur de la lutte. Depuis 2009 déjà, des habitant.e.s informent la population qui croyait n’avoir à faire qu’à une scierie, alertant sur les futurs dégagements de dioxyne et la pollution des cours d’eau, ainsi que l’arnaque en vue échaffaudée par Erscia : la combustion de biomasse produira quasi autant d’électricité que l’usine a besoin pour fonctionner sauf que EDF leur achètera 3 fois plus qu’Erscia ne la paiera. Des personnes qui habitent les unes à côté des autres depuis des années sans vraiment se connaître, se rencontrent et créent des liens forts, de connivence, de complicité, d’intérêts ou d’amitié.
Suite à un démarrage de coupe dans le bois du Tronçay en février 2013, une soixantaine de personnes réagit au quart de tour, défie les gendarmes mobiles qui tentent de les empêcher d’interrompre la sale besogne, alors même qu’un arrêté interdit l’intervention pour cause d’habitat naturel protégé. Le cercle de personnes mobilisées s’agrandit, des dijonnais.e.s rejoignent la lutte. Finalement, la coupe s’arrête là.
Après l’occupation d’un champ prêté par une paysanne, ils et elles décident d’investir le bois, propriété du Conseil général, construisent une cabane, une cuisine collective, assurent une permanence, se retrouvent pour échanger sur la lutte.
Le passage de l’infotour aura été l’occasion de partager des questions communes, comme celle des liens avec le reste de la population, celle de la légalité, de l’efficacité de l’action directe. Nous avons aussi pu partager notre envie de ne pas se laisser faire, de construire une force collective, de reprendre en main des décisions qui nous concernent face aux destructions du capitalisme.
Il est possible qu’Erscia rapplique en septembre pour tenter de continuer son travail de destruction. Mais ce projet a été visiblement très mal mené par les promoteurs, et il y a une grande probabilité pour qu’il ne se fasse pas. Être nombreux et nombreuses en septembre pour s’opposer physiquement à la coupe des arbres pourrait bien sonner le glas de ce projet absurde.
Restez vigilant.e.s sur
http://zad-boisdutroncay.org
A bientôt pour la dernière semaine de l’infotour.